vendredi 31 janvier 2014

Rue du cirque

clown tristeLes gens normaux sont des présidents comme les autres. Un homme, sa maîtresse, une chambre au 20 rue du Cirque. Les cyniques se réjouiront qu’à cette même adresse, Closer a été élevé au rang de journal d’investigation, et François Hollande à celui de véritable chef d’Etat, à la suite de nos rois soleil, de nos Félix Faure. Favorites et pompe funèbre. Tristes promotions. Les papillonnages présidentiels ont toujours des airs de vaudeville, qui font rire assez fort pour ne pas entendre les pleurs. Et pour nous faire oublier tout le reste. Nous n’aurons même pas eu la grâce d’un entracte entre deux numéros…
Rue du cirque médiatique, un clown en a caché bien d’autres. Plus tristes encore.

Nous aimerions parfois un peu de calme. Que la musique s’arrête, que la lumière s’éteigne sous le chapiteau. Juste du silence. Au moins pour s’assurer de ce qu’il convient de dire. Car on se fatigue à moquer sans cesse.
Nous voudrions dans les Cahiers que ce silence soit le maître mot de nos postures, et que ce soit toujours sur la pointe des pieds que l’on vienne le troubler d’un billet. Y glisser comme une parole, enveloppée de silence.

A notre mesure, nous voudrions nous élever à nous pencher sur les choses de la vie, plutôt que de tomber à vouloir les regarder de haut. Laisser se reposer l’Auguste et le contre-pitre. Et, si possible, pourquoi pas, intéresser. Par le plus bel intéressement qui soit : celui qui ne cherche pas d’autre but que de faire grandir. Le lecteur comme l’auteur.
Joseph Gynt
Edito publié sur les Cahiers libres, le 14 janvier 2014.

mercredi 29 janvier 2014

Du journalisme et des journalistes #4 : les nouveaux horizons


« Homère est nouveau, ce matin, et rien n’est peut-être aussi vieux que le journal d’aujourd’hui » (Charles Péguy)

journalismeASITES D’INFORMATION EN LIGNE, BLOGS SPÉCIALISÉS, RÉSEAUX SOCIAUX… L’explosion du journalisme multimédia a frappé la profession de plein fouet. Ce n’est plus un secteur qui est en crise, c’est tout un système qui change. Brutalement. Et les gens de l’art peinent à trouver un modèle rentable à déployer. Derrière les questionnement économiques (lire à ce propos notre chapitre #3), se sont les fondements mêmes de la profession de journaliste qui sont bousculés. Celle-ci doit affronter la révolution technologique en même temps qu’une suspicion grandissante à leur égard. Passée la vague des sempiternelles reproches, c’est une bonne nouvelle. Car cela les force à se réinventer. Une chance à saisir pour qui porte autant d’exigence citoyenne.

mercredi 22 janvier 2014

Du journalisme et des journalistes #3 : la course à la rentabilité


« CHUTE DES VENTES ET DES RECETTES PUBLICITAIRES, déficits généralisés, plans de départs, cessions en rafales : la presse écrite française - nationale, régionale ou magazine - décline sans parvenir à redresser la barre grâce à ses investissements dans le numérique », constate l’AFP en ce début d’année. Une fâcheuse tendance que le monde de la presse peine à affronter. Aux difficultés économiques et technologiques s’ajoutent les caprice de certains acteurs, comme le distributeur Presstalis qui fait peser sur les journaux des coût très importants, ou encore La Poste, qui annonce une augmentations de ses tarifs alors même qu’elle ne veut plus couvrir toutes les campagnes.

mercredi 15 janvier 2014

Du journalisme et des journalistes #2 : en quête d'objectivité


« LE JOURNALISME S’EST LAISSÉ ALLÉ À UNE SORTE DE DÉGÉNÉRESCENCE, a un manque de conscience et d’énergie, et s’est rendu coupable de facilité », lançait Henri Pigeat, ancien président de l’AFP et aujourd’hui à la tête du CFJ (Centre de formation des journalistes), lors d’une conférence donnée aux Bernardins en novembre dernier, sur l’avenir du métier. Avec d’autres intervenants, il entendait dénoncer « l’institutionnalisation des médias », c’est-à-dire l’enlisement confortable des journalistes aux côtés des puissants. L’accusation n’est pas neuve, comme nous l’avons vu précédemment (ici). Mais elle refait violemment surface aujourd’hui, alors que le monde de la presse se trouve confronté à un double bouleversement, économique et technologique. Ainsi qu’à une perte terrible de crédibilité.

Courbure d'échine

"Le journaliste doit être un voyou, un maverick."
Prenons, à titre d’exemple et de moyen à charge, l’affaire DSK. Pourquoi ce tremblement de terre médiatique a-t-il trouvé son épicentre aux Etats-Unis et non en France ? « J’avais tout en main avant que le scoop ne sorte, raconte le journaliste français Jean Quatremer. J’ai proposé à ma rédaction (Libération, alors dirigée par Laurent Joffrin) d’amener les oreilles et la queue de DSK sur un plateau, mais elle s’est opposée à un reportage, en prétextant que cela relevait de la vie privée. J’ai donc conseillé à mes sources de publier l’information dans les journaux américains, les seuls qui oseraient le faire » (L’enquête d’origine devait porter sur la relation de DSK avec l’économiste Piroska Nagy, avant l’affaire du Sofitel.). Nous connaissons la suite. Que restait-il de ce prétendu respect de la vie privée, une fois l’ancien boss du FMI redevenu un simple péquin aux poignés menottés ? Les journaux français ont failli deux fois : avant, en se taisant. Et après, en jouant les charognards.

mercredi 8 janvier 2014

Du journalisme et des journalistes #1 : nouvelle époque, vieilles rancœurs


« ON CONDUIT AUJOURD’HUI LES LECTEURS COMME ON N’A PAS CESSÉ DE CONDUIRE LES ÉLECTEURS. Beaucoup de journalistes, qui blâment avec raison la faiblesse des mœurs parlementaires, feraient bien de se retourner sur soi-même et de considérer que les salles de rédaction se tiennent comme les Parlements. Il y a au moins autant de démagogie parlementaire dans les journaux que dans les assemblées. Il se dépense autant d’autorité dans un comité de rédaction que dans un conseil des ministres ; et autant de faiblesse démagogique. Les journalistes écrivent comme les députés parlent. »

Voilà un trait bien envoyé à nos chers « médias » ! LibérationFrance Inter et les autres… A tous ces « faiseurs d’opinion » qui, dit-on, jugent et donne le la de la symphonie française moderne depuis leurs salons parisiens. Toutes ces rédactions que l’on aime tant détester. Et qui, il faut bien le dire, nous en ont donné cette année quelques raisons. Oui mais voilà : ce trait, affuté et bienvenu, date de… 1901 ! Ecrit de la main de l’ami Charles Péguy, dans ses Cahiers de la quinzaine (dans De la raison). Il ne devait pas se douter que son « aujourd’hui » serait autant d’actualité, cent ans après sa mort.