samedi 3 décembre 2011

Un aigle et des étoiles




Des fans de Napoléon, dit l'Aigle, se sont rassemblés sous l'Arc de triomphe, le 2 décembre, pour commémorer la date anniversaire de son sacre. Un drapeau européen s'est invité à la fête, s'attirant les foudres des souverainistes. Reportage.

Deux grognards en redingotes bleues marines, le bonnet d'ourson sur les yeux, escortent un Napoléon souriant qui répond aux questions des touristes. Au côté de la garde impériale, un long cortège frigorifié patiente sur la place de l'Etoile. des femmes, emmitouflées dans leurs fourrures, échangent des mondanités. Leurs maris discutent gravement avec des officiers militaires qui paradent sous leurs képis. Devant eux, d'anciens combattants aux uniformes approximatifs se mouchent bruyamment. Ils sont près de deux cent à s'être rassemblés, en ce jour anniversaire du sacre de l'empereur et de la bataille d'Austerlitz. Comme chaque année, les associations passionnées d'histoire et autres nostalgiques du premier Empire commémorent ces deux événements en ravivant la flamme du soldat inconnu. 
Ordre et discipline de rigueur. Le défilé qui précède la cérémonie se doit d'être irréprochable. "Les porteurs de gerbes ouvrent la marche, suivis des drapeaux français, des officiels et des membres des associations", ordonne l'un des organisateur, poitrine gonflée et brassards dorés en évidence.

"Ce n'est pas l'Europe qui est à l'honneur !"    
Le cortège est sur le point de s'ébranler quand des éclats de voix retentissent. Une bannière étoilée sur fond bleu tente de s'immiscer au milieu des drapeaux tricolores. Adrien, jeune homme à la mine exaltée, cheveux blonds tenus par un bandeau noir, est déterminé à porter les couleurs de l'Europe en tête de défilé. Une initiative qui n'est pas du goût de tout le monde. "Ton drapeau n'a rien à faire ici", lui lance avec indignation un chasseur alpin septuagénaire. "C'est Napoléon et la France qui sont à l'honneur ce soir, pas l'Europe", ajoute un autre vieillard décoré. Mais ni les rides ni les médailles n'impressionnent Adrien. "Ils n'ont rien compris, confie-t-il. L'Europe, c'est l'avenir". Cet étudiant de vingt ans se revendique du mouvement des Bonapartistes Indépendants, branche dissidente de la très conservatrice association France Bonapartiste. "Les valeurs napoléoniennes ont leur place dans l'Union européenne, clame Adrien. Souveraineté nationale, progrès social, refus du clivage gauche-droite, c'est tout cela que nous défendons !"
La fougue de la jeunesse aura raison de l'obstination des anciens. Au moment où le convoi s'élance, Adrien est autorisé de justesse à marcher avec les autres drapeaux. "Mais derrière et discrètement, si possible", lui enjoint-on.

Raviver la flamme du souvenir
Au pas cadencé, le cortège silencieux se rassemble autour de la tombe du soldat inconnu, à l'abri de l'Arc de Triomphe. Alignés en rang d'oignons, les étendards claquent dans le vent de décembre. Dans un coin, Adrien porte haut le drapeau européen et assiste victorieusement au bon déroulement de la cérémonie. Un enfant ravive la flamme du souvenir. Un général antique bardé d'étoiles lance une Marseillaise chevrotante. Le clairon rend hommage aux morts. Les roulements des batteries impériales raisonnent sous le monument napoléonien. 
Avant de repartir, les officiels saluent les drapeaux. Le jeune Prince Napoléon, descendant du frère benjamin de l'Empereur, entame mal à l'aise la ronde des poignées de mains, sacrifiant au protocole qui lui impose sa lignée. Le prince Murat marche dans ses pas, l'air absent, un sac Virgin Mégastore à la main. Les héritiers de généraux oubliés suivent derrière. De son côté, Adrien sert la pince à tout le gratin impérial. Jusqu'au dernier : un querelleur vient l'haranguer, furieux. "En tant que descendant d'un soldat de Napoléon, je suis choqué. Allez rangez ce chiffon, l'Europe n'a pas sa place ici !" Adrien ne se démonte pas. "Levez les yeux, Monsieur, et regardez où est placé ce que vous appelez un chiffon". Au dessus de leurs têtes, à côté du grand drapeau national, douze étoiles flottent sur un drapeau bleu. Immense.




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire