jeudi 13 décembre 2012

Inutiles bloggeurs, vous m’êtes essentiels

8h30 au bureau. Un mauvais café à 40 centimes fume à côté de l’ordinateur. Les collègues ne sont pas encore arrivés. J’en profite pour jeter un œil aux derniers articles publiés sur les réseaux sociaux. L’actualité est dense, la « cathosphère » s’agite autour des sujets du moment : mariage gay, recherche sur l’embryon… Les titres s’enchainent sur mon écran, ceux de médias de tout horizon, aux tons plus ou moins heureux… Ceux aussi de bloggeurs commentant incognito – ou pas – les faits de société, le monde qui les entoure. Voilà ceux qui m’intéressent le plus. Tous n’auront pas droit une lecture attentive de ma part, le regard en diagonale ignorant parfois de longues heures d’écriture. Ingrat que je suis. Qu’importe, j’aurais, en cette matinée commençante, fait ma petite revue de presse très personnelle.

La scène aurait également pu se passer au fond de mon canapé, après une journée de travail, le Smartphone en guise de fenêtre sur le monde. Ou bien au hasard de messages reçus, m’invitant à lire tel ou tel billet. Car tout au long de la journée, je garde à portée de main ce fil d’informations, d’humeurs et de réflexions. Je le tire et l’emmêle. Quand il s’échappe, je replonge dans la toile et le retrouve, bien au chaud de mes « communautés ». Dans ce fouillis se côtoient des auteurs plus ou moins talentueux, aux marottes plus ou moins pertinentes. J’y puise celles qui me ressemblent. Celles qui m’interpellent, aussi. Je confronte les idées, je les fais miennes. Je profite de thèses développées avec soin - exigence intellectuelle que seul permet l’exercice rédactionnel. Je les approuve ou les récuse, elles m’énervent ou m’émeuvent. Je les partage… Je forge mon opinion.

Parlons d’opinion, donc.

Puisqu’il a été décidé que le journalisme ne devait plus être d’opinion, puisque les politiques restent hermétiques à la contradiction, puisque les débats télévisuels nous imposent de penser noir par peur du blanc, où donc irons nous chercher les nuances de gris ? Chez les plumes légères, libres et indépendantes. Ephémères plus que celles des écrivains. Celle des bloggeurs.

Le portrait quelque peu idéal que j’en dresse (pour les besoins de ma démonstration) fait d’eux les héritiers des pamphlétaires impertinents. Des électrons libérés des pressions politico-journalistiques, trublions anonymes osant les sujets qui fâchent, imposant les débats que l’on croit impossibles en d’autres univers. Leurs élucubrations poussent à la réflexion, démarche providentielle, à l’ère des peuples endormis. Car si le salut de la société passe par le réveil de l’individu, c’est chez lui qu’il faut venir toquer. A son bureau ou dans son canapé, qu’il faut le bousculer.

Dans le petit monde des catholiques, les bloggeurs rappellent que la voix de l’Eglise dépasse les seuls orgues du clergé et que l’engagement des fidèles dans la société est une nécessité. Leur coup de gueule, un devoir. Bien sûr, la controverse suit souvent... Personne n’est jamais d’accord. C’est le propre de l’homme, et donc de l’Eglise. Ça s’apostrophe, ça se castagne, ça se blesse parfois. Et ça (se) lasse. On en croise même persuadés de leur inutilité. Quel avenir pour une impression fugace jetée à la mer ? Quel intérêt des écrits voués à l’oubli ? Je n’ai, pour ma part, jamais fait grand cas des notions d’utilité ou d’efficacité. Elles m’échappent autant que je les fuis, tant elles sont restrictives et cachent la beauté des actions.

Amis bloggeurs, quel que soit le nombre de vos lecteurs, quelques soient vos sujets de prédilection et le cœur que vous mettez à les traiter, ne vous découragez pas. Ne vous offusquez pas des pics ou de l’ignorance. Ne regardez pas où tombent les graines que vous semez. Lancez-les, leur fécondité ne vous appartient plus. Il est une masse silencieuse que vous maintenez en éveil. Oui, vous nous êtes essentiels, « inutiles » bloggeurs. Et que vous n’en sachiez rien est peut-être le plus beau.

Un dernier mot, avant que je n’éteigne l'ordinateur qui me relie à vous. S’il vous plait, respectez ma flemme : ne quittez pas Facebook, n’abandonnez pas Twitter ! C’est là où je vous trouve.

6 commentaires:

  1. Que dire après un tel article ? Rien. Applaudir des deux mains.
    Si, se dire qu'on aimerait lire de telles déclarations plus souvent.
    Bref, vive les blogs !

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  2. Très beau papier et un immense merci ! :-)

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  3. tu sais ce qu'elles te disent, les orgues du clergé :D

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  4. La vérité, j'espérais secrètement que tu réagisses à ce passage !

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