dimanche 31 mars 2013

La Manif pour tous, un printemps français ?


La manifestation du 24 mars 2013 a confirmé la montée en puissance d'un mouvement populaire, né en opposition au projet de loi Taubira et, plus largement, aux (dés)orientations que nos dirigeants promeuvent pour notre société (plus de détails ici). Défiant tous pronostics, cette levée de boucliers semble s'inscrire durablement dans le temps, rappelant au monde qu'il est des valeurs qu'on ne peut impunément bafouer... 

Ce constat partisan posé, l'assimilation de ce phénomène à un "printemps français" a, de prime abord, de quoi chatouiller le cornet acoustique. Le parallèle inéluctable avec ce qui nous est parvenu du "printemps arabe", à partir de décembre 2010, dérange, tant la situation politique des pays concernés diffère. Peut-on raisonnablement comparer la Manif pour tous aux mouvements révolutionnaires nationaux de la Tunisie ou de l'Egypte ? N'en restons pas là et remontons plus loin dans le temps, jusqu'aux références premières : nos actions s'inscrivent-elles réellement dans la droite ligne du Printemps des peuples de 1848 ? Tout fantasme révolutionnaire mis à part, je ne crois pas.

Pour autant et malgré la défiance que j'ai pu avoir en entendant cette expression pour la première fois, je ne peux m'empêcher de rêver à l'évocation d'un soulèvement coloré de mon pays. S'il n'est pas question de chasses aux dictateurs dans notre lutte, nous voulons assurer bruyamment la promotion d'un idéal centré sur la dignité humaine. C'est nouveau, ça bouscule et ça inquiète.

Permettez ici une bucolique anecdote : de retour dans mon Poitou natal à l'occasion du weekend de Pâques, la tête encore pleine des souvenirs de "la Grande armée", j'ai surpris une nature insolente tentant de s'éveiller malgré l'interminable hiver. Sous un pénible crachin et dans une grisaille bien campée, les pruniers étaient en fleurs, les bourgeons perçaient sur les pommiers et les narcisses prenaient possession des fossés.

"Le temps est venu pour moi et je ne lâcherai rien !", gueule le printemps à l'hiver. C'est en entendant son cri que j'ai ravalé mon scepticisme. Oui, il y a quelque chose du printemps dans l'audace d'un peuple à proclamer une vérité contre un ordre bien établi. Il y a aussi quelque chose du printemps dans le réveil de chrétiens qui assument enfin le fait d'être dans une république et d'y avoir une voix à faire entendre.

Un "printemps français", qui serait aussi celui des chrétiens de France ? Chiche !

On me pardonnera d'évoquer de confessionnelles réactions dans ce billet sur la Manif pour tous, mouvement que l'on sait hétéroclite dans sa composition et à toutes mains dans ses aspirations. Mais ce serait mensonge que d'ignorer le rôle du sursaut des fidèles dans son succès et, surtout, bien triste que d'en avoir honte. Les valeurs portées sur le pavées sont catholiques, en ce qu'elles sont universelles. Bien normal que nous y trouvions notre compte et, en tout état de cause, que nous y prenions notre part. D'autant que cet élan est, pour nous, enfants de Rome, plus que providentiel. "France, fille aînée de l'Eglise, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ?", interpellait Jean-Paul II il y a déjà trente ans de cela (1). J'aimerai pouvoir lui répondre aujourd'hui : "vois, bienheureux père, notre réveil !" Tout porte ses fruits, le printemps aidant.

J'aurai à ce niveau d'élucubration un regret : que le terme de "printemps français" ait été récupéré comme étendard par une fraction des opposants au mariage gay. Je ne dis pas cela en raison des divergences qui ont poussé ses membres à prendre leurs distances avec les organisateurs de la Manif pour tous, mais parce qu'ils ont, en nommant ainsi leur mouvement, enchaîné une idée. Or on n'enferme pas le printemps, ni dans un parti, ni dans un nom de domaine. Le printemps est un fait qui s'accompli, une révolution que l'on constate. Un point c'est tout.

Ce que nous voulons, c'est une politique au service d'une mystique, si cela est possible sans perversion aucune. C'est bien là où nous, chrétiens, avons notre rôle à jouer, puisque nous savons combien il est nécessaire de s'extraire du monde pour mieux le servir.

Pour finir, j'oserai citer ces quelques mots d'Ellul, non pas en guise de conclusion, puisque tout s'ouvre alors, mais d'introduction à notre réveil :
"S'il y a encore une espérance possible,
s'il y a une éventualité pour que l'homme vive,
s'il y a encore un sens à la vie,
s'il y a une issue qui ne soit pas le suicide,
s'il y a un amour qui ne soit pas intégré dans la technique,
s'il y a une vérité qui ne soit pas utile au système,
s'il y a au moins le goût, la passion, le début et l'hypothèse de la liberté,
il faut prendre conscience qu'ils ne peuvent plus reposer que sur le transcendant." (2)
Forts de le savoir, en avant !


(1) Bienheureux Jean-Paul II, discours du Bourget, 1er juin 1980.
(2) Jacques Ellul, Ce que je crois.

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