mardi 23 avril 2013

C'est aujourd'hui que tout commence



« Que dites-vous ?... C'est inutile ?... Je le sais ! Mais on ne se bat pas dans l'espoir du succès. Non, non c'est bien plus beau lorsque c’est inutile !  » (Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac)

« 331 voix pour, 225 contre ». Voici donc LA loi votée. Logiquement, astucieusement, sans grande surprise. A croire que nos bruyantes actions n'ont servi à rien... Tout cet élan populaire et massif, en vain ? On peut légitimement se le demander. Comme on peut légitimement se tromper à le croire.

D’abord, parce que la loi Taubira n’est qu’une bataille. Perdue, certe, mais qui en annonce bien d’autres. Et d'autres encore après les recours d'usage, qui mériteront toute notre résistance. Ensuite, parce qu’il y a dans notre mouvement quelque chose de plus grand que la simple recherche d'une efficacité de circonstance. Une force qui s'inscrit dans le temps. Osons le dire, quelque chose de mystique, un souffle revigorant qui tient d'une indignation venue par surprise contrebalancer notre tiédeur mollassonne. Nous nous sommes levés. A l’ère des assis, se tenir debout est, en soi, une victoire. Triste victoire ? Pas si l’on considère que la promotion de la dignité humaine – du droit des enfants de connaitre leur père et leur mère à la responsabilité des adultes de tenir ce rôle – ne fait que commencer. Pas si l’on considère qu’il nous appartient de transmettre aux générations futures l’étendard de ces valeurs, intact.

Cette histoire est celle du fou qui dit bonjour quand la nuit tombe. D'une armée de fous qui, voyant le soleil se coucher et s'obscurcir les nues, affirment à qui veut les entendre que « c'est aujourd'hui que tout commence ! » Une révolte ? Non sire, une révolution. Mais alors, une révolution de poètes, pacifique et tranquille. Une révolution des roseaux : vivace, tenace, indéracinable malgré les assauts du vent. Dans le tumulte des manifestations, nous découvrons avec les veilleurs que « la non-violence est la plus radicale des radicalisations », selon les mots de Jacques de Guillebon. « Pendant que les éditorialistes jacassent, que les écrivains théorisent, que les élus disputent, que les excités provoquent et que la police réprime, vaine répétition du vide, eux, les veilleurs font ! »

Peut-être sommes-nous les idiots utiles de la société, archiprêtres de combats inutiles. Tant mieux. C'est bien plus beau lorsque c’est inutile. Car quand l’espoir disparait vient la liberté et, avec elle, l'expression d'un fatalisme joyeux ou d'un orgueil très chrétien, un peu plus que du courage : le panache. Celui-là même qui nous fera encore gueuler aux vents quand tout sera passé, quand tout sera permis. 

Et encore après, quand tout s'effondrera – car tout s'effondre qui n'est pas bâti sur l'homme, pour l'homme, sur une écologie humaine, en somme – quand tout sera miné dans ce champ de ruine, ce champ ruiné par les sentiments des meilleurs, nous serons toujours à la même place. Roseaux pliés mais vaillants. Fous, sentinelles et veilleurs.

Alors, nous aurons la satisfaction non pas d'avoir eu raison, ce qui ne serait qu'un plaisir futile, infertile et mauvais, mais la satisfaction, le plaisir utile, l’orgueil bien placé d'avoir suivi le chemin que nous savions bon, d'être restés fidèles au combat que nous savions juste. De s'être levés quand nous le devions et d'être restés droits dans les bottes que nous avions chaussées. D'avoir veillé, jusqu'au bout de nos forces.

Quel intérêt, me demanderez-vous, au vu du résultat ? C'est qu'à la fin, à la toute fin, à la fin dernière, il nous sera moins demandé d'avoir réussi que d'avoir essayé. Là est notre aurore, là est notre panache.

jeudi 18 avril 2013

Non-violence et radicalisation : l’art du funambule


« Il faut aimer la vérité plus que soi-même et les autres plus que la vérité » (Romain Rolland)

 
Le problème à trop prendre les gens pour des imbéciles, c’est qu’ils finissent par le devenir.  Rassemblez dans une marmite plusieurs centaines de milliers de personnes aux convictions ancrées, arrosez copieusement de mépris, saupoudrez de quelques raccourcis politiques ici ou là, une pincez de zèle policier pour relever le tout, recouvrez d’une couverture médiatique approximative et laissez cuire à l’étouffé. Avec un pouvoir en manque de reconnaissance pour souffler sur le feu, la belle tambouille explosive que voilà !

Le mouvement provoqué par La manif pour tous se caractérise depuis le début des actions par son pacifisme affirmé. Pas d’appel à la bastonnade, pas de voitures brulées… Contrairement à ce que l’on peut entendre ici ou là, le lancer de pots de Flamby ou une virée en panier à salade ne font pas une révolution (à se demander qui l’exagération des faits sert-elle !). Ne nous leurrons pas pour autant, la colère monte. Moins parce que le gouvernement mène à terme son projet – c’était annoncé de longue date, reconnaissons lui au moins le mérite de la cohérence – que parce qu’il le fait à bride abattue, au détriment d’un débat de grande ampleur, exigé par un mouvement de grande ampleur. Sage jusque-là, ce dernier change de nature. Encore plus depuis le coup de force législatif de nos dirigeants. Se pose alors la question de l’expression d’une colère légitime, autant que des revendications. Comment trouver l’équilibre entre le respect de valeurs pacifistes et le souci d’efficacité dans l’action ? Jusqu’où aller dans la lutte ? Dans la rue comme sur les réseaux sociaux se dessine un clivage entre les partisans d’actions non-violentes et ceux qui souhaitent profiter de l’élan pour monter les barricades. Les uns accusant les autres de trahison du message substantiel, les autres reprochant aux premiers leur impuissance à changer le cours des évènnements.

mardi 9 avril 2013

Puisqu'il n'y a qu'au combat qu'on est libre



« La liberté ne consisterait pas à suivre tous ses désirs mais à trouver en soi une certitude qui éveille, une paix qui dure et nous détache des aléas de l’existence » (Blanche de Richement, Manifeste vagabond)

Combien le "mariage pour tous", une fois adopté et ce qui s'en suit avec, concernera-t-il de personnes, directement ? Pas grand monde en vérité. L'Insee recense 100 000 couples homosexuels (1). Sur les 0,6 % des personnes en couple que cela représente, il y a fort à parier que tous ne souhaitent pas mettre leurs noms en bas d'un parchemin... Encore moins auraient les moyen financiers de recourir à une PMA ou une GPA ! Alors deux questions se posent, selon que nous soyons contre ce projet - pourquoi le gouvernement nous fait-il suer avec une telle loi ? - ou que nous y soyons favorable : pourquoi mettre tant d'ardeur à s'y opposer ?

dimanche 31 mars 2013

La Manif pour tous, un printemps français ?


La manifestation du 24 mars 2013 a confirmé la montée en puissance d'un mouvement populaire, né en opposition au projet de loi Taubira et, plus largement, aux (dés)orientations que nos dirigeants promeuvent pour notre société (plus de détails ici). Défiant tous pronostics, cette levée de boucliers semble s'inscrire durablement dans le temps, rappelant au monde qu'il est des valeurs qu'on ne peut impunément bafouer... 

Ce constat partisan posé, l'assimilation de ce phénomène à un "printemps français" a, de prime abord, de quoi chatouiller le cornet acoustique. Le parallèle inéluctable avec ce qui nous est parvenu du "printemps arabe", à partir de décembre 2010, dérange, tant la situation politique des pays concernés diffère. Peut-on raisonnablement comparer la Manif pour tous aux mouvements révolutionnaires nationaux de la Tunisie ou de l'Egypte ? N'en restons pas là et remontons plus loin dans le temps, jusqu'aux références premières : nos actions s'inscrivent-elles réellement dans la droite ligne du Printemps des peuples de 1848 ? Tout fantasme révolutionnaire mis à part, je ne crois pas.

mercredi 27 mars 2013

Dieu, mais que Marianne était jolie !


Qu’on se le dise : Marianne en « Liberté guidant le peuple » supporte mieux le topless que les Femen. Et les justes combats s’accommodent mal de haine ou d’idéologie…

Reconnaissons la chance que nous avons de vivre dans un pays où il nous est encore possible de descendre dans la rue sans risquer nos vies, de défendre nos idées ou de confesser notre foi sans courir au peloton. Reconnaissons aussi que cette liberté est fragile et que, ces derniers mois, elle a sournoisement été mise à mal. Mépris et moqueries sont les nouvelles armes des censeurs. Si elles font couler moins de sang, elles peuvent tuer les "révoltes" aussi sûrement.

On a ainsi voulu faire passer l’opposition au mariage gay et aux conséquences qui en découlent, pour un épiphénomène, le sursaut glavioteux de quelques vieux réacs essoufflés, fondamentalistes et homophobes. Mépris et moqueries ! Ignorance et mauvaise foi.

Une fois, puis deux, des hommes et des femmes sont descendus par centaines de milliers dans la rue pour crier à la nation qu’il n’en était rien ; que le respect de la dignité humaine et des droits de l’enfant – puisque c’est bien de cela qu’il s’agit – sont des principes universels !

jeudi 13 décembre 2012

Inutiles bloggeurs, vous m’êtes essentiels

8h30 au bureau. Un mauvais café à 40 centimes fume à côté de l’ordinateur. Les collègues ne sont pas encore arrivés. J’en profite pour jeter un œil aux derniers articles publiés sur les réseaux sociaux. L’actualité est dense, la « cathosphère » s’agite autour des sujets du moment : mariage gay, recherche sur l’embryon… Les titres s’enchainent sur mon écran, ceux de médias de tout horizon, aux tons plus ou moins heureux… Ceux aussi de bloggeurs commentant incognito – ou pas – les faits de société, le monde qui les entoure. Voilà ceux qui m’intéressent le plus. Tous n’auront pas droit une lecture attentive de ma part, le regard en diagonale ignorant parfois de longues heures d’écriture. Ingrat que je suis. Qu’importe, j’aurais, en cette matinée commençante, fait ma petite revue de presse très personnelle.

La scène aurait également pu se passer au fond de mon canapé, après une journée de travail, le Smartphone en guise de fenêtre sur le monde. Ou bien au hasard de messages reçus, m’invitant à lire tel ou tel billet. Car tout au long de la journée, je garde à portée de main ce fil d’informations, d’humeurs et de réflexions. Je le tire et l’emmêle. Quand il s’échappe, je replonge dans la toile et le retrouve, bien au chaud de mes « communautés ». Dans ce fouillis se côtoient des auteurs plus ou moins talentueux, aux marottes plus ou moins pertinentes. J’y puise celles qui me ressemblent. Celles qui m’interpellent, aussi. Je confronte les idées, je les fais miennes. Je profite de thèses développées avec soin - exigence intellectuelle que seul permet l’exercice rédactionnel. Je les approuve ou les récuse, elles m’énervent ou m’émeuvent. Je les partage… Je forge mon opinion.

Parlons d’opinion, donc.