mardi 15 octobre 2013

Une île de la tentation pour Nouvelles de France



"Il n'est pas donné à l'homme de se faire un autre berceau" (Charles Péguy)
On pourrait croire à un gag, à un premier avril à l’automne signé Nouvelles de France (NDF). Mais cette revue du web est décidément plus habituée à susciter la grimace que le rire... La raison de cet éventuel et légitime fourvoiement ? Un article marquant le lancement d’un projet de recherche, puis d’achat d’une île pour en faire un « Etat souverain » et « assumer notre identité française, économiquement libérale mais socialement conservatrice » (sic).

NDF prônant l’émigration ? Ne riez pas. L’idée fait son chemin depuis plusieurs mois chez ses contributeurs. Un site internet a même vu le jour pour recueillir les premières inscriptions/souscriptions. « Où trouver la liberté perdue, de vivre dans une société qui valorise ce qui est valeur? », se demandent les administrateurs du site. Leur réponse : « ailleurs, indéniablement. Et pourquoi pas sur une île, un peu en retrait de ce monde ? S'organiser par-delà les mers en une microsociété, non pas refermée sur elle-même, mais qui, de par ses principes simples, nobles et solides, pourra rayonner ». « Peut-être est-il nécessaire que la graine meure pour renaître », ajoutent-ils, comme s’il leur appartenait d’en décider.

mardi 8 octobre 2013

Les doux accrocs du dialogue entre cathos



"Heureux ceux qui s'aiment assez pour savoir se taire ensemble" (Charles Péguy)

Des débats politiques ou sociétaux aux querelles liturgiques, les catholiques excellent parfois dans l’art de l’étripage fraternel. Ce qui est déjà triste dans la société devient plus terrible encore, plus infamant dans l’Eglise. Parce qu’il s’agit d’Eglise. Pourquoi semble-t-il plus facile de discuter avec un bouddhiste de Dharamsala qu’avec son voisin du bout-du-banc ? Peut-être accepte-t-on plus facilement les différences du premier comme point de départ d’échanges constructifs, alors que celles du second agacent, font peur. Comme s’il ne s’agissait pas, là aussi, de construire ! Et l’on attend du catho qu'il entre sans discussion dans les cases que le plan paroissial a soigneusement préparé pour lui... C’est une tendance fâcheuse, mais très humaine, que de vouloir rassembler tout le monde dans la même chapelle sous prétexte d'appartenir à la même Eglise. Mais s'il y a un seul Credo, en revanche, il y a bien « plusieurs demeures dans la maison de mon Père » !

mercredi 2 octobre 2013

Cantat, droit dans le soleil

Retour au devant de la scène pour Bertrand Cantat. Entre le souvenir des drames de l'ombre et le désir de rédemption. Pourquoi faut-il que le génie soit toujours lié à la folie ? Peut-être oeuvrent-ils dans la même cour, où l'artiste côtoie la grâce et les démons des hommes. Le jour et l'obscurité, l'ombre et la lumière. Droit dans le soleil. C'est le nom du nouveau titre de Cantat, 1er opus d'un album attendu en novembre. L'âme aux noirs désirs apparait dans ce clip, avec sa gueule de taulard et les yeux délavés. Et sa voix râpeuse, comme chargée des malheurs du monde, vient se joindre à la guitare et au violoncelle, dans une ballade dépouillée.
"On t'avait dit que tout se paye.Tout se dissout dans la lumière.Les ombres qui marchent à tes côtés.Dans le parfum des nuits, l'éclatement des corps qui s'emerveillent.
Mais on ne renonce pas, regarde bien droit dans le soleil !"
(Voir le clip)

La dernière apparition de Bertrant Cantat avec son groupe Noir Désir remonte à 2008. C'était avec ce titre publié sur internet : gagnant/perdant. Joint à la chanson, un petit texte, en guise d'explication :
"La chanson, Gagnants / Perdants a été enregistrée par Noir Désir, en réaction au contexte actuel, politique et humain dans toute l’acceptation du terme. Impossible d’attendre pour la mettre à disposition."



"Noir Désir est au travail", ajoutait le texte. Mais deux ans plus tard, le groupe se séparait, mettant fin à trente ans d'aventure. Restait la révolte. Cantat, le maudit, est de retour.



samedi 28 septembre 2013

Mon Dieu, by Anaïs


La célèbre chanson d'Edith Piaf, Mon Dieu, composée en 1960 par Charles Dumont et le parolier Michel Vaucaire, est reprise ici par la chanteuse Anaïs, à l'occasion d'une session acoustique Bruxelles ma belle. Au son des tintements de verres et des discussions de comptoir...





jeudi 29 août 2013

Ce que sont les Veilleurs


Quand vous subissez chaque jour invectives et moqueries, quand les valeurs que vous défendez sont caricaturées, présentées comme homophobes ou fascistes, quand l'on dit de vous que vous illustrez la montée de l'extrême droite en France, que l'on vous refuse un combat équitable, c'est-à-dire en intelligence et honnête foi, pour d'absurdes et d'intolérables raisons, un choix s'offre à vous : 

- le repli sur soi, en mode village gaulois, à coup de "tous pourris" et "tous vendus"... Une posture compréhensible, excusable peut-être, mais stérile. Et qui fait vite de l'orgueil l'unique moteur de votre action. 

- Ou bien vous optez pour une voie plus difficile : aller à la rencontre des gens, offrir une parole à l'intelligence et aux coeurs, pour expliquer votre démarche et l'universalité de vos valeurs, que votre combat est tout sauf réductible aux critiques lancées jusqu'alors. 

C'est ce qu'on fait les Veilleurs en prenant la route cet été. Leur grande marche s'achèvera samedi 31 août prochain à Paris, par une dernière veillée place de la Concorde. La préfecture de police vient de s'opposer à ce qu'elle considère comme une manifestation devant être interdite pour des raisons tenants à la protection des institutions et à l'ordre public (sic). Les Veilleurs ont dors et déjà annoncé qu'ils organiseraient tout de même ce qu'ils considèrent être une simple expression de leur liberté. Il est bon de rappeler ici ce qui a poussé à la création du mouvement des veilleurs, ce q'il a été durant les événements de 2013 et ce qui les anime aujourd'hui. L'âme de leur combat. Voici retranscrit ci-dessous, pour ce nécessaire rappel, le discours qu'ils ont adressé au Conseil de l'Europe le 26 juin dernier, sur "la Manif pour Tous et la répression policière".

lundi 26 août 2013

L'honneur rendu à Hélie de Saint Marc

Hélie de Saint Marc est mort. Et "la France, dans sa profonde tradition imprégnée de culture chrétienne, a su pardonner et même plus que cela, elle a reconnu (son) sens de l'honneur". Cinquante après les événement d'Alger et sa condamnation pour "intelligence avec les dirigeants d'un mouvement insurrectionnel" (lire ici), Hélie de Saint Marc a été élevé à la dignité de grand-croix de la Légion d'honneur. C'était le 28 novembre 2011, dans la cour des Invalides. L'Histoire venait de rendre son verdict. 

Voici le discours que le général Bruno Dary, alors gouverneur de Paris, lui a adressé. Paroles de soldat à soldat. 

"On peut demander beaucoup à un soldat, en particulier de mourir. On ne peut pas lui demander de se parjurer" (Hélie de Saint Marc)

Le 5 juin 1961, le haut-tribunal militaire condamne Hélie de Saint-Marc à dix ans de détention criminelle pour "intelligence avec les dirigeants d'un mouvement insurrectionnel". Lui, qui a connu Buchenwald et l'enfer de l'Indochine, se retrouvera en détention en France pour avoir suivi le général Challe dans sa rébellion. Pour n'avoir pas voulu reproduire en Algérie "l'abandon" des partisans vietnamiens dont il fut témoin, dix ans plus tôt. Voici la déclaration qu'il lança au haut-tribunal militaire. Et entre ces lignes, cette phrase : "on peut demander beaucoup à un soldat, en particulier de mourir (...). On ne peut pas lui demander de se parjurer".  

Paroles du dernier de nos héros, qui s'est éteint aujourd'hui.

mercredi 31 juillet 2013

Le baiser de Natan


Buenos-Aires, le 26 juillet 2013… Une gargote du quartier de Palermo… L’heure du déjeuner attire les habitués. Un vieux monsieur lit La Nación à côté de moi, devant une soupe fumante. Une grand-mère somnole sur une chaise, adossée au mur. Pendue au-dessus d’elle, la télé retransmet les informations du jour dans l’indifférence générale. Soudain, le plus célèbre des argentins (avec Diego et « la pulga », bien sûr) apparait à l’écran. Un bain de foule, à trois mille kilomètres de là : c’est el Papa Francisco, ce sont les Journées mondiales de la jeunesse, c’est Rio de Janeiro.

Mon voisin laisse tomber son journal et sa cuillère, les têtes se lèvent, la serveuse s’avance près du poste. Tous regardent les mêmes images qui tournent en boucle : un enfant d’une dizaine d’année, cheveux noirs et polo aux couleurs brésiliennes sur le dos, s’élance vers la papamobile. Le service d’ordre cherche à l’arrêter. A l’appel du pape, l’un des "gorilles" de sa garde rapprochée le porte jusqu’à lui. L’enfant s’accroche au cou du Saint-Père, qui l’embrasse affectueusement en retour. Echanges de mots et de gestes tendres, le garçon ne veut pas lâcher prise. Il éclate en larmes, d’émotion. La scène dure une trentaine de secondes, une éternité dans le protocole ! On le repose à terre, il envoie un dernier baiser de la main, il fait quelques pas seul, en sanglots, avant de retrouver les bras de son père. Les hommes de la sécurité lui caressent la tête, visiblement émus. La voix des commentateurs vibre. Autour de moi, il n’y a plus un bruit.

Derrière ma table en formica, je repense à Rome, à Toronto, à Cologne, à Madrid… J’ai été cet enfant en chacun de ces instants. Quelle intuition merveilleuse que celle de Jean-Paul II qui, instituant les JMJ il y a trente ans, a donné l’occasion à la jeunesse du monde de se blottir dans les bras de l’Eglise ! Et qui, en même temps, a offert à l’Eglise l’occasion d’embrasser cette jeunesse assoiffée. Celui qui a vécu de tels moments comprend les larmes que l’on y verse, car c'est un petit bout d’Absolu que l’on touche alors : l’expérience non pas de la communauté, mais de la communion des croyants. Fort de cette foi, on découvre la joie d'être fidèle au successeur de Pierre, en ce qu’il est pasteur, en ce que nous sommes troupeau.

Ainsi donc, cette année encore, à l’appel du pape, la jeunesse du monde est venue avec confiance se jeter au cou de l’Eglise-Mère, comme cet enfant au cou du Saint-Père… Des mots et gestes tendres sous le Corcovado, un baiser envoyé de la main. Des larmes de joie.

Ainsi donc, cette année encore, à l’appel de la jeunesse du monde, l’Eglise a ouvert ses bras et est devenue ce qu’elle est : universelle. A la suite de Jean-Paul II et de Benoit XVI, François, le « pape du bout du monde », s’est fait pape pour tous. Tu es Petrus, et l’audace innocente d’un petit garçon est venue rappeler la grande leçon de Tibériade !

La papamobile a poursuivi son chemin. La télé du restaurant argentin est passée à d’autres images ; la serveuse à d’autres commandes. A la table voisine, le vieux monsieur est retourné à son journal et à sa soupe, tiède maintenant. Moi, je suis resté avec le souvenir de ce petit garçon brésilien. J’apprendrai plus tard qu’il s’appelle Natan. Que dans ce moment privilégié, si fort en symbole pour l’Eglise, si porteur du mystère, Natan a confié au Saint-Père qu'il voulait être prêtre.

Recueillant ses larmes, l’homme en blanc lui a alors répondu : « maintenant, tu pries pour moi et moi, je prie pour toi ! »

Et la jeunesse du monde s’en est retournée chez elle.





vendredi 24 mai 2013

Témoignage : quand Hommen et Veilleurs se transmettent la flamme



Amis lecteurs, je vous transmets ici un témoignage reçu ce jour, sur la rencontre entre Hommen et veilleurs, qui s'est déroulée cette semaine à Angers. Bonne lecture et à dimanche ! #ONLR

JG 





jeudi 23 mai 2013

#26mai


Face aux « risques de débordements » de la manif pour tous que l’on agite à tout bout de champ, à « la radicalisation du mouvement » et à « la montée des extrêmes » qui pullulent dans les gros titres, qu’allons-nous faire ? Nous planquer pour éviter les amalgames ? Rentrer gentiment chez nous pour prouver qu’on-a-vraiment-rien-à-voir-avec-ces-gens ? Ce serait confortable et rassurant. Mais ce serait une démission.

Nous étions surs de notre bon droit en janvier, nous l’étions en mars, nous le serons le 26 mai.

Je ne marche pas pour un drapeau ou des guerres de partis, mais pour des valeurs. Dans ce combat, j’affirme mon opposition à toute forme de violence, qu’elle émane du gouvernement, du lobby LGBT ou de manifestants à mes côtés. J’affirme en cela la cohérence de mon action.

Agissant en homme libre, je refuse de céder un pouce de terrain à qui que ce soit qui viendrait contraindre ma liberté et enfermer notre mouvement dans quelque case que ce soit.

Dimanche, je tiendrai ma place.

mercredi 1 mai 2013

Veilleurs : résister par l’intelligence et par le cœur



« L’histoire ne dira pas comment ils ont surgi un jour sans que nul ne les attende, quoique tous les espérassent », écris l’essayiste Jacques de Guillebon en l’honneur des veilleurs. Ce mouvement pacifique et déterminé est apparu dans le flot de l’opposition à loi Taubira. Son succès est mystérieux, son avenir est incertain et son enseignement, précieux.
Les veilleurs auraient pu disparaître avec l’adoption définitive de cette réforme sociétale. Mais ils sont toujours là, une semaine après le vote des députés. Leurs actions s’improvisent au dernier moment, les lieux et les horaires étant communiqués par internet ou par SMS. Elles se déroulent désormais dans plus de soixante-dix villes de France, et jusqu’à l’étranger : Londres, Jérusalem... Qu’ils soient une douzaine à Sélestat ou des centaines à Paris, ils témoignent paisiblement, une bougie à la main, de leur attachement aux « valeurs de la famille », à « l’altérité sexuelle dans le mariage », au « droit des enfants à connaître leur père et leur mère »... Les journaux ne disent pas grand-chose à leur sujet, et encore moins de juste. Ils ne suscitent guère l’attention des élites parisiennes. Au contraire des réseaux sociaux et des blogs, qui s’enflamment pour eux ! On salue l’initiative, on relai les récits des veillées, on comprend que quelque chose de grand est en train de se passer, sans pour autant en distinguer les contours...

Les veilleurs auraient pu choisir de crier leur rage aux rangées de CRS alignées devant les ministères, leur lancer pierres et cannettes aux côtés des habituels excités d’après-manif’. Axel, co-initiateur et chef de file du mouvement, avoue même « en avoir été », mais en être revenu. Pour une autre voie : celle de la lutte non-violente, derrière les Gandhi et les Martin Luther King.

Ils auraient aussi pu se retrouver à prier devant les forces l’ordre, comme le faisaient quelques jours plus tôt les intégristes de Civitas, devant le Sénat. Peut-être même l’auraient-il fait mieux, plus « catholiquement », tant il est vrai que  l’on retrouve dans leurs rangs nombre de pratiquants. Tant il est vrai aussi que les valeurs qu’ils portent sont catholiques. Mais c’eut été oublier ceux des leurs qui ne partagent pas leurs convictions religieuses. C’eut été, surtout, trahir l’âme de leur mouvement et la raison de leur mobilisation : une promotion apolitique et aconfessionnelle de valeurs universelles, qui parlent à tous les cœurs, qu’il faut mener à tous les cœurs.

Le fil rouge des veillées se tisse à partir du plus petit dénominateur commun de l’Homme : cette soif de liberté, de vérité et de justice, comme une aspiration à la vraie paix. Pour l’illustrer, pour la défendre et la promouvoir, ils n’ont voulu ni conférence en chair, ni homélie, mais le témoignage d’illustres prédécesseurs, de toute époque, de tout horizon : poètes, musiciens, philosophes, résistants… Des vers, trésors de l’humanité, par leurs bouches déclamés, dont ils se font les héritiers légitimes. L’art pour arme.

Dans la soirée du 23 avril, alors que des échauffourées se déroulaient à quelques dizaines de mètres, un chœur s’est invité pour entonner la Passion selon Saint Jean, de Johann Sebastian Bach. Timidement d’abord, puis avec assurance, les voix se sont élevées pour couvrir les cris d’agitateurs en cagoules, les pétards et les charges policières. Contraste irréel ! Bach au « son des canons », devant deux mille veilleurs qui prenaient alors conscience de la nécessité de leur action. « Il y a beaucoup de bruit autour de nous, essayez d’absorber cette violence », leur enjoignait-on au micro…

Un autre soir, étaient proposés à la méditation ces mots d’Antonio Gramsci : « ce qui arrive, arrive non pas parce que certains veulent qu’il arrive, mais parce que la majorité abdique sa volonté, laisse faire, laisse se grouper les nœuds qu’ensuite seule l’épée pourra couper, laisse promulguer les lois qu’ensuite seule la révolte fera abroger, laisse aller au pouvoir les hommes qu’ensuite seul une révolution pourra renverser. La fatalité qui semble dominer l’histoire n’est que l’apparence illusoire de cette indifférence, de cet absentéisme ».

Au fil des veillées, c’est Antigone refusant de céder à la fatalité, c’est Cyrano et son panache – « on ne se bat pas dans l'espoir du succès. Non, non c'est bien plus beau lorsque c’est inutile !  » – c’est La Rose et le Réséda, celui qui croyait au ciel et celui qui n'y croyait pas.

C’est aussi Hélie de Saint-Marc, qui jure qu’il faut « croire à la grandeur de l’aventure humaine » et « savoir, jusqu’au dernier jour, jusqu’à la dernière heure, rouler son propre rocher » ! Ce sont des cornemuses gémissantes au pied des Invalides, un violoncelle qui élève sa voix sourde sur le Champ de Mars.

« La beauté sauvera le monde », selon la formule de Dostoïevski, semble être leur devise. Une voie d’action « par l’intelligence et par le cœur ». Il ne s’agit pas ici d’un simple happening ou d’un sitting pour une opposition de circonstance. C’est un acte de désobéissance civile affirmé, puisque non-autorisé. Le risque est connu et assumé ; la nuit au poste, envisagée. « L’Etat ne garantit plus nos droits fondamentaux. A partir du moment où une loi votée est injuste, il est de notre devoir, à la suite d’Antigone, de désobéir », affirme Madeleine, une veilleuse des premières heures. Face à un projet de société qu’ils rejettent, ces hérauts d’une « résistance non-violente » murmurent le Chant des Partisans. Bien sur, les participants aux veillées sont libres de s’en aller quand ils le souhaitent. « Ici chacun sait ce qu´il veut, ce qu´il fait quand il passe ». La nuit avançant, certains se lèvent pour retourner à leur foyer. Les rangs alors se resserrent autour des bougies. « Ami, si tu tombes un ami sort de l´ombre à ta place ». Et la soirée se poursuit dans la nuit pour les derniers veilleurs : « chantez, compagnons, dans la nuit la Liberté nous écoute ! »

Jusqu’où iront-ils ? Quelle suite donneront-ils à cet élan ? Telle est bien la question qui se pose aujourd’hui. Les veillées devraient se poursuivre au cours du mois de mai. Et après ? Pas de réponse. Les organisateurs eux même semblent n’en savoir rien. Ils ont choisi de ne pas être propriétaires de leur mouvement, de le laisser les dépasser. Comme un poème qui n’appartiendrait plus au poète mais à ceux qui le reçoivent. Ils agissent, car il leur semble nécessaire d’agir, là et maintenant. Demain est un autre jour, et qu’importe la suite. Oui, qu’importe la suite puisque le message est passé à qui veut l’entendre : une génération se lève qui reprend gout aux rêves, lasse de l’indifférence ou des jeux politiques. Les veilleurs ne se contentent pas de résister, ils fondent. Ils s’arment de l’art pour nourrir leur détermination et voient grand, très grand ! Au moins aussi grand que la grandeur qu’ils accordent à l’Homme. Et quand ils doutent – qui ne doute pas, à vouloir vivre ses rêves ? – se sont les mots d’un vieux chant, leur hymne, appris en d’autres temps, lors d’autres veillées, qui montent de leurs lèvres :

« Je me penchais sur la terre
Et la contemplais, ravi.
Car il n’est que l’espérance
Pour animer notre cœur
Qui de nos plus noires souffrances
Sait toujours être vainqueur. »



Publié par Terre de Compassion, le 1er mai 2013.


mardi 23 avril 2013

C'est aujourd'hui que tout commence



« Que dites-vous ?... C'est inutile ?... Je le sais ! Mais on ne se bat pas dans l'espoir du succès. Non, non c'est bien plus beau lorsque c’est inutile !  » (Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac)

« 331 voix pour, 225 contre ». Voici donc LA loi votée. Logiquement, astucieusement, sans grande surprise. A croire que nos bruyantes actions n'ont servi à rien... Tout cet élan populaire et massif, en vain ? On peut légitimement se le demander. Comme on peut légitimement se tromper à le croire.

D’abord, parce que la loi Taubira n’est qu’une bataille. Perdue, certe, mais qui en annonce bien d’autres. Et d'autres encore après les recours d'usage, qui mériteront toute notre résistance. Ensuite, parce qu’il y a dans notre mouvement quelque chose de plus grand que la simple recherche d'une efficacité de circonstance. Une force qui s'inscrit dans le temps. Osons le dire, quelque chose de mystique, un souffle revigorant qui tient d'une indignation venue par surprise contrebalancer notre tiédeur mollassonne. Nous nous sommes levés. A l’ère des assis, se tenir debout est, en soi, une victoire. Triste victoire ? Pas si l’on considère que la promotion de la dignité humaine – du droit des enfants de connaitre leur père et leur mère à la responsabilité des adultes de tenir ce rôle – ne fait que commencer. Pas si l’on considère qu’il nous appartient de transmettre aux générations futures l’étendard de ces valeurs, intact.

Cette histoire est celle du fou qui dit bonjour quand la nuit tombe. D'une armée de fous qui, voyant le soleil se coucher et s'obscurcir les nues, affirment à qui veut les entendre que « c'est aujourd'hui que tout commence ! » Une révolte ? Non sire, une révolution. Mais alors, une révolution de poètes, pacifique et tranquille. Une révolution des roseaux : vivace, tenace, indéracinable malgré les assauts du vent. Dans le tumulte des manifestations, nous découvrons avec les veilleurs que « la non-violence est la plus radicale des radicalisations », selon les mots de Jacques de Guillebon. « Pendant que les éditorialistes jacassent, que les écrivains théorisent, que les élus disputent, que les excités provoquent et que la police réprime, vaine répétition du vide, eux, les veilleurs font ! »

Peut-être sommes-nous les idiots utiles de la société, archiprêtres de combats inutiles. Tant mieux. C'est bien plus beau lorsque c’est inutile. Car quand l’espoir disparait vient la liberté et, avec elle, l'expression d'un fatalisme joyeux ou d'un orgueil très chrétien, un peu plus que du courage : le panache. Celui-là même qui nous fera encore gueuler aux vents quand tout sera passé, quand tout sera permis. 

Et encore après, quand tout s'effondrera – car tout s'effondre qui n'est pas bâti sur l'homme, pour l'homme, sur une écologie humaine, en somme – quand tout sera miné dans ce champ de ruine, ce champ ruiné par les sentiments des meilleurs, nous serons toujours à la même place. Roseaux pliés mais vaillants. Fous, sentinelles et veilleurs.

Alors, nous aurons la satisfaction non pas d'avoir eu raison, ce qui ne serait qu'un plaisir futile, infertile et mauvais, mais la satisfaction, le plaisir utile, l’orgueil bien placé d'avoir suivi le chemin que nous savions bon, d'être restés fidèles au combat que nous savions juste. De s'être levés quand nous le devions et d'être restés droits dans les bottes que nous avions chaussées. D'avoir veillé, jusqu'au bout de nos forces.

Quel intérêt, me demanderez-vous, au vu du résultat ? C'est qu'à la fin, à la toute fin, à la fin dernière, il nous sera moins demandé d'avoir réussi que d'avoir essayé. Là est notre aurore, là est notre panache.

jeudi 18 avril 2013

Non-violence et radicalisation : l’art du funambule


« Il faut aimer la vérité plus que soi-même et les autres plus que la vérité » (Romain Rolland)

 
Le problème à trop prendre les gens pour des imbéciles, c’est qu’ils finissent par le devenir.  Rassemblez dans une marmite plusieurs centaines de milliers de personnes aux convictions ancrées, arrosez copieusement de mépris, saupoudrez de quelques raccourcis politiques ici ou là, une pincez de zèle policier pour relever le tout, recouvrez d’une couverture médiatique approximative et laissez cuire à l’étouffé. Avec un pouvoir en manque de reconnaissance pour souffler sur le feu, la belle tambouille explosive que voilà !

Le mouvement provoqué par La manif pour tous se caractérise depuis le début des actions par son pacifisme affirmé. Pas d’appel à la bastonnade, pas de voitures brulées… Contrairement à ce que l’on peut entendre ici ou là, le lancer de pots de Flamby ou une virée en panier à salade ne font pas une révolution (à se demander qui l’exagération des faits sert-elle !). Ne nous leurrons pas pour autant, la colère monte. Moins parce que le gouvernement mène à terme son projet – c’était annoncé de longue date, reconnaissons lui au moins le mérite de la cohérence – que parce qu’il le fait à bride abattue, au détriment d’un débat de grande ampleur, exigé par un mouvement de grande ampleur. Sage jusque-là, ce dernier change de nature. Encore plus depuis le coup de force législatif de nos dirigeants. Se pose alors la question de l’expression d’une colère légitime, autant que des revendications. Comment trouver l’équilibre entre le respect de valeurs pacifistes et le souci d’efficacité dans l’action ? Jusqu’où aller dans la lutte ? Dans la rue comme sur les réseaux sociaux se dessine un clivage entre les partisans d’actions non-violentes et ceux qui souhaitent profiter de l’élan pour monter les barricades. Les uns accusant les autres de trahison du message substantiel, les autres reprochant aux premiers leur impuissance à changer le cours des évènnements.

mardi 9 avril 2013

Puisqu'il n'y a qu'au combat qu'on est libre



« La liberté ne consisterait pas à suivre tous ses désirs mais à trouver en soi une certitude qui éveille, une paix qui dure et nous détache des aléas de l’existence » (Blanche de Richement, Manifeste vagabond)

Combien le "mariage pour tous", une fois adopté et ce qui s'en suit avec, concernera-t-il de personnes, directement ? Pas grand monde en vérité. L'Insee recense 100 000 couples homosexuels (1). Sur les 0,6 % des personnes en couple que cela représente, il y a fort à parier que tous ne souhaitent pas mettre leurs noms en bas d'un parchemin... Encore moins auraient les moyen financiers de recourir à une PMA ou une GPA ! Alors deux questions se posent, selon que nous soyons contre ce projet - pourquoi le gouvernement nous fait-il suer avec une telle loi ? - ou que nous y soyons favorable : pourquoi mettre tant d'ardeur à s'y opposer ?

dimanche 31 mars 2013

La Manif pour tous, un printemps français ?


La manifestation du 24 mars 2013 a confirmé la montée en puissance d'un mouvement populaire, né en opposition au projet de loi Taubira et, plus largement, aux (dés)orientations que nos dirigeants promeuvent pour notre société (plus de détails ici). Défiant tous pronostics, cette levée de boucliers semble s'inscrire durablement dans le temps, rappelant au monde qu'il est des valeurs qu'on ne peut impunément bafouer... 

Ce constat partisan posé, l'assimilation de ce phénomène à un "printemps français" a, de prime abord, de quoi chatouiller le cornet acoustique. Le parallèle inéluctable avec ce qui nous est parvenu du "printemps arabe", à partir de décembre 2010, dérange, tant la situation politique des pays concernés diffère. Peut-on raisonnablement comparer la Manif pour tous aux mouvements révolutionnaires nationaux de la Tunisie ou de l'Egypte ? N'en restons pas là et remontons plus loin dans le temps, jusqu'aux références premières : nos actions s'inscrivent-elles réellement dans la droite ligne du Printemps des peuples de 1848 ? Tout fantasme révolutionnaire mis à part, je ne crois pas.

mercredi 27 mars 2013

Dieu, mais que Marianne était jolie !


Qu’on se le dise : Marianne en « Liberté guidant le peuple » supporte mieux le topless que les Femen. Et les justes combats s’accommodent mal de haine ou d’idéologie…

Reconnaissons la chance que nous avons de vivre dans un pays où il nous est encore possible de descendre dans la rue sans risquer nos vies, de défendre nos idées ou de confesser notre foi sans courir au peloton. Reconnaissons aussi que cette liberté est fragile et que, ces derniers mois, elle a sournoisement été mise à mal. Mépris et moqueries sont les nouvelles armes des censeurs. Si elles font couler moins de sang, elles peuvent tuer les "révoltes" aussi sûrement.

On a ainsi voulu faire passer l’opposition au mariage gay et aux conséquences qui en découlent, pour un épiphénomène, le sursaut glavioteux de quelques vieux réacs essoufflés, fondamentalistes et homophobes. Mépris et moqueries ! Ignorance et mauvaise foi.

Une fois, puis deux, des hommes et des femmes sont descendus par centaines de milliers dans la rue pour crier à la nation qu’il n’en était rien ; que le respect de la dignité humaine et des droits de l’enfant – puisque c’est bien de cela qu’il s’agit – sont des principes universels !