Loin des trains de la campagne française ou du métro parisien, les transports en Haiti ont la saveur du burlesque et de l'inattendu. Le moindre voyage peut vite se transformer en aventure à rebondissement, où les voyageurs anonymes deviennent compagnons de galère, rieurs et solidaires.
Entre les tap-taps bruyants et colorés des villes se faufilent les motos taxis, sur lesquelles deux, voir trois passagers s'accrochent derrière le pilote. Sur les pistes caillouteuses de campagnes, ce sont des pickup sans âges qui transportent d'un village à l'autre, dans un nuage de poussière, les étudiants en vacances, des malades rejoignant l'hôpital ou de vieilles marchandes fumant la pipe. Parmi cette faune mécanique, les vieux "school buses" américains ont droit à une nouvelle vie sur l'île. Relookés à la mode du pays, peintures flash ornant les flancs et slogans bibliques sur le pare-brise, ce sont eux qui assurent la liaison entre la capitale et Cap Haïtien, au nord. Dès les premières lueurs du jour, les "bêtes" s'entremêlent sur la station de départ, dans un sac de noeud chaud et grouillant où les chauffeurs font la course au remplissage. Ce n'est qu'une fois gavés de passagers et de marchandises qu'ils se lancent. En attendant, les marchands de rien à l'affût de tout commerce crient et tapent aux carreaux des camions, leur camelote en équilibre au sommet du crâne.