jeudi 29 août 2013

Ce que sont les Veilleurs


Quand vous subissez chaque jour invectives et moqueries, quand les valeurs que vous défendez sont caricaturées, présentées comme homophobes ou fascistes, quand l'on dit de vous que vous illustrez la montée de l'extrême droite en France, que l'on vous refuse un combat équitable, c'est-à-dire en intelligence et honnête foi, pour d'absurdes et d'intolérables raisons, un choix s'offre à vous : 

- le repli sur soi, en mode village gaulois, à coup de "tous pourris" et "tous vendus"... Une posture compréhensible, excusable peut-être, mais stérile. Et qui fait vite de l'orgueil l'unique moteur de votre action. 

- Ou bien vous optez pour une voie plus difficile : aller à la rencontre des gens, offrir une parole à l'intelligence et aux coeurs, pour expliquer votre démarche et l'universalité de vos valeurs, que votre combat est tout sauf réductible aux critiques lancées jusqu'alors. 

C'est ce qu'on fait les Veilleurs en prenant la route cet été. Leur grande marche s'achèvera samedi 31 août prochain à Paris, par une dernière veillée place de la Concorde. La préfecture de police vient de s'opposer à ce qu'elle considère comme une manifestation devant être interdite pour des raisons tenants à la protection des institutions et à l'ordre public (sic). Les Veilleurs ont dors et déjà annoncé qu'ils organiseraient tout de même ce qu'ils considèrent être une simple expression de leur liberté. Il est bon de rappeler ici ce qui a poussé à la création du mouvement des veilleurs, ce q'il a été durant les événements de 2013 et ce qui les anime aujourd'hui. L'âme de leur combat. Voici retranscrit ci-dessous, pour ce nécessaire rappel, le discours qu'ils ont adressé au Conseil de l'Europe le 26 juin dernier, sur "la Manif pour Tous et la répression policière".

lundi 26 août 2013

L'honneur rendu à Hélie de Saint Marc

Hélie de Saint Marc est mort. Et "la France, dans sa profonde tradition imprégnée de culture chrétienne, a su pardonner et même plus que cela, elle a reconnu (son) sens de l'honneur". Cinquante après les événement d'Alger et sa condamnation pour "intelligence avec les dirigeants d'un mouvement insurrectionnel" (lire ici), Hélie de Saint Marc a été élevé à la dignité de grand-croix de la Légion d'honneur. C'était le 28 novembre 2011, dans la cour des Invalides. L'Histoire venait de rendre son verdict. 

Voici le discours que le général Bruno Dary, alors gouverneur de Paris, lui a adressé. Paroles de soldat à soldat. 

"On peut demander beaucoup à un soldat, en particulier de mourir. On ne peut pas lui demander de se parjurer" (Hélie de Saint Marc)

Le 5 juin 1961, le haut-tribunal militaire condamne Hélie de Saint-Marc à dix ans de détention criminelle pour "intelligence avec les dirigeants d'un mouvement insurrectionnel". Lui, qui a connu Buchenwald et l'enfer de l'Indochine, se retrouvera en détention en France pour avoir suivi le général Challe dans sa rébellion. Pour n'avoir pas voulu reproduire en Algérie "l'abandon" des partisans vietnamiens dont il fut témoin, dix ans plus tôt. Voici la déclaration qu'il lança au haut-tribunal militaire. Et entre ces lignes, cette phrase : "on peut demander beaucoup à un soldat, en particulier de mourir (...). On ne peut pas lui demander de se parjurer".  

Paroles du dernier de nos héros, qui s'est éteint aujourd'hui.

mercredi 31 juillet 2013

Le baiser de Natan


Buenos-Aires, le 26 juillet 2013… Une gargote du quartier de Palermo… L’heure du déjeuner attire les habitués. Un vieux monsieur lit La Nación à côté de moi, devant une soupe fumante. Une grand-mère somnole sur une chaise, adossée au mur. Pendue au-dessus d’elle, la télé retransmet les informations du jour dans l’indifférence générale. Soudain, le plus célèbre des argentins (avec Diego et « la pulga », bien sûr) apparait à l’écran. Un bain de foule, à trois mille kilomètres de là : c’est el Papa Francisco, ce sont les Journées mondiales de la jeunesse, c’est Rio de Janeiro.

Mon voisin laisse tomber son journal et sa cuillère, les têtes se lèvent, la serveuse s’avance près du poste. Tous regardent les mêmes images qui tournent en boucle : un enfant d’une dizaine d’année, cheveux noirs et polo aux couleurs brésiliennes sur le dos, s’élance vers la papamobile. Le service d’ordre cherche à l’arrêter. A l’appel du pape, l’un des "gorilles" de sa garde rapprochée le porte jusqu’à lui. L’enfant s’accroche au cou du Saint-Père, qui l’embrasse affectueusement en retour. Echanges de mots et de gestes tendres, le garçon ne veut pas lâcher prise. Il éclate en larmes, d’émotion. La scène dure une trentaine de secondes, une éternité dans le protocole ! On le repose à terre, il envoie un dernier baiser de la main, il fait quelques pas seul, en sanglots, avant de retrouver les bras de son père. Les hommes de la sécurité lui caressent la tête, visiblement émus. La voix des commentateurs vibre. Autour de moi, il n’y a plus un bruit.

Derrière ma table en formica, je repense à Rome, à Toronto, à Cologne, à Madrid… J’ai été cet enfant en chacun de ces instants. Quelle intuition merveilleuse que celle de Jean-Paul II qui, instituant les JMJ il y a trente ans, a donné l’occasion à la jeunesse du monde de se blottir dans les bras de l’Eglise ! Et qui, en même temps, a offert à l’Eglise l’occasion d’embrasser cette jeunesse assoiffée. Celui qui a vécu de tels moments comprend les larmes que l’on y verse, car c'est un petit bout d’Absolu que l’on touche alors : l’expérience non pas de la communauté, mais de la communion des croyants. Fort de cette foi, on découvre la joie d'être fidèle au successeur de Pierre, en ce qu’il est pasteur, en ce que nous sommes troupeau.

Ainsi donc, cette année encore, à l’appel du pape, la jeunesse du monde est venue avec confiance se jeter au cou de l’Eglise-Mère, comme cet enfant au cou du Saint-Père… Des mots et gestes tendres sous le Corcovado, un baiser envoyé de la main. Des larmes de joie.

Ainsi donc, cette année encore, à l’appel de la jeunesse du monde, l’Eglise a ouvert ses bras et est devenue ce qu’elle est : universelle. A la suite de Jean-Paul II et de Benoit XVI, François, le « pape du bout du monde », s’est fait pape pour tous. Tu es Petrus, et l’audace innocente d’un petit garçon est venue rappeler la grande leçon de Tibériade !

La papamobile a poursuivi son chemin. La télé du restaurant argentin est passée à d’autres images ; la serveuse à d’autres commandes. A la table voisine, le vieux monsieur est retourné à son journal et à sa soupe, tiède maintenant. Moi, je suis resté avec le souvenir de ce petit garçon brésilien. J’apprendrai plus tard qu’il s’appelle Natan. Que dans ce moment privilégié, si fort en symbole pour l’Eglise, si porteur du mystère, Natan a confié au Saint-Père qu'il voulait être prêtre.

Recueillant ses larmes, l’homme en blanc lui a alors répondu : « maintenant, tu pries pour moi et moi, je prie pour toi ! »

Et la jeunesse du monde s’en est retournée chez elle.





vendredi 24 mai 2013

Témoignage : quand Hommen et Veilleurs se transmettent la flamme



Amis lecteurs, je vous transmets ici un témoignage reçu ce jour, sur la rencontre entre Hommen et veilleurs, qui s'est déroulée cette semaine à Angers. Bonne lecture et à dimanche ! #ONLR

JG 





jeudi 23 mai 2013

#26mai


Face aux « risques de débordements » de la manif pour tous que l’on agite à tout bout de champ, à « la radicalisation du mouvement » et à « la montée des extrêmes » qui pullulent dans les gros titres, qu’allons-nous faire ? Nous planquer pour éviter les amalgames ? Rentrer gentiment chez nous pour prouver qu’on-a-vraiment-rien-à-voir-avec-ces-gens ? Ce serait confortable et rassurant. Mais ce serait une démission.

Nous étions surs de notre bon droit en janvier, nous l’étions en mars, nous le serons le 26 mai.

Je ne marche pas pour un drapeau ou des guerres de partis, mais pour des valeurs. Dans ce combat, j’affirme mon opposition à toute forme de violence, qu’elle émane du gouvernement, du lobby LGBT ou de manifestants à mes côtés. J’affirme en cela la cohérence de mon action.

Agissant en homme libre, je refuse de céder un pouce de terrain à qui que ce soit qui viendrait contraindre ma liberté et enfermer notre mouvement dans quelque case que ce soit.

Dimanche, je tiendrai ma place.

mercredi 1 mai 2013

Veilleurs : résister par l’intelligence et par le cœur



« L’histoire ne dira pas comment ils ont surgi un jour sans que nul ne les attende, quoique tous les espérassent », écris l’essayiste Jacques de Guillebon en l’honneur des veilleurs. Ce mouvement pacifique et déterminé est apparu dans le flot de l’opposition à loi Taubira. Son succès est mystérieux, son avenir est incertain et son enseignement, précieux.
Les veilleurs auraient pu disparaître avec l’adoption définitive de cette réforme sociétale. Mais ils sont toujours là, une semaine après le vote des députés. Leurs actions s’improvisent au dernier moment, les lieux et les horaires étant communiqués par internet ou par SMS. Elles se déroulent désormais dans plus de soixante-dix villes de France, et jusqu’à l’étranger : Londres, Jérusalem... Qu’ils soient une douzaine à Sélestat ou des centaines à Paris, ils témoignent paisiblement, une bougie à la main, de leur attachement aux « valeurs de la famille », à « l’altérité sexuelle dans le mariage », au « droit des enfants à connaître leur père et leur mère »... Les journaux ne disent pas grand-chose à leur sujet, et encore moins de juste. Ils ne suscitent guère l’attention des élites parisiennes. Au contraire des réseaux sociaux et des blogs, qui s’enflamment pour eux ! On salue l’initiative, on relai les récits des veillées, on comprend que quelque chose de grand est en train de se passer, sans pour autant en distinguer les contours...

Les veilleurs auraient pu choisir de crier leur rage aux rangées de CRS alignées devant les ministères, leur lancer pierres et cannettes aux côtés des habituels excités d’après-manif’. Axel, co-initiateur et chef de file du mouvement, avoue même « en avoir été », mais en être revenu. Pour une autre voie : celle de la lutte non-violente, derrière les Gandhi et les Martin Luther King.

Ils auraient aussi pu se retrouver à prier devant les forces l’ordre, comme le faisaient quelques jours plus tôt les intégristes de Civitas, devant le Sénat. Peut-être même l’auraient-il fait mieux, plus « catholiquement », tant il est vrai que  l’on retrouve dans leurs rangs nombre de pratiquants. Tant il est vrai aussi que les valeurs qu’ils portent sont catholiques. Mais c’eut été oublier ceux des leurs qui ne partagent pas leurs convictions religieuses. C’eut été, surtout, trahir l’âme de leur mouvement et la raison de leur mobilisation : une promotion apolitique et aconfessionnelle de valeurs universelles, qui parlent à tous les cœurs, qu’il faut mener à tous les cœurs.

Le fil rouge des veillées se tisse à partir du plus petit dénominateur commun de l’Homme : cette soif de liberté, de vérité et de justice, comme une aspiration à la vraie paix. Pour l’illustrer, pour la défendre et la promouvoir, ils n’ont voulu ni conférence en chair, ni homélie, mais le témoignage d’illustres prédécesseurs, de toute époque, de tout horizon : poètes, musiciens, philosophes, résistants… Des vers, trésors de l’humanité, par leurs bouches déclamés, dont ils se font les héritiers légitimes. L’art pour arme.

Dans la soirée du 23 avril, alors que des échauffourées se déroulaient à quelques dizaines de mètres, un chœur s’est invité pour entonner la Passion selon Saint Jean, de Johann Sebastian Bach. Timidement d’abord, puis avec assurance, les voix se sont élevées pour couvrir les cris d’agitateurs en cagoules, les pétards et les charges policières. Contraste irréel ! Bach au « son des canons », devant deux mille veilleurs qui prenaient alors conscience de la nécessité de leur action. « Il y a beaucoup de bruit autour de nous, essayez d’absorber cette violence », leur enjoignait-on au micro…

Un autre soir, étaient proposés à la méditation ces mots d’Antonio Gramsci : « ce qui arrive, arrive non pas parce que certains veulent qu’il arrive, mais parce que la majorité abdique sa volonté, laisse faire, laisse se grouper les nœuds qu’ensuite seule l’épée pourra couper, laisse promulguer les lois qu’ensuite seule la révolte fera abroger, laisse aller au pouvoir les hommes qu’ensuite seul une révolution pourra renverser. La fatalité qui semble dominer l’histoire n’est que l’apparence illusoire de cette indifférence, de cet absentéisme ».

Au fil des veillées, c’est Antigone refusant de céder à la fatalité, c’est Cyrano et son panache – « on ne se bat pas dans l'espoir du succès. Non, non c'est bien plus beau lorsque c’est inutile !  » – c’est La Rose et le Réséda, celui qui croyait au ciel et celui qui n'y croyait pas.

C’est aussi Hélie de Saint-Marc, qui jure qu’il faut « croire à la grandeur de l’aventure humaine » et « savoir, jusqu’au dernier jour, jusqu’à la dernière heure, rouler son propre rocher » ! Ce sont des cornemuses gémissantes au pied des Invalides, un violoncelle qui élève sa voix sourde sur le Champ de Mars.

« La beauté sauvera le monde », selon la formule de Dostoïevski, semble être leur devise. Une voie d’action « par l’intelligence et par le cœur ». Il ne s’agit pas ici d’un simple happening ou d’un sitting pour une opposition de circonstance. C’est un acte de désobéissance civile affirmé, puisque non-autorisé. Le risque est connu et assumé ; la nuit au poste, envisagée. « L’Etat ne garantit plus nos droits fondamentaux. A partir du moment où une loi votée est injuste, il est de notre devoir, à la suite d’Antigone, de désobéir », affirme Madeleine, une veilleuse des premières heures. Face à un projet de société qu’ils rejettent, ces hérauts d’une « résistance non-violente » murmurent le Chant des Partisans. Bien sur, les participants aux veillées sont libres de s’en aller quand ils le souhaitent. « Ici chacun sait ce qu´il veut, ce qu´il fait quand il passe ». La nuit avançant, certains se lèvent pour retourner à leur foyer. Les rangs alors se resserrent autour des bougies. « Ami, si tu tombes un ami sort de l´ombre à ta place ». Et la soirée se poursuit dans la nuit pour les derniers veilleurs : « chantez, compagnons, dans la nuit la Liberté nous écoute ! »

Jusqu’où iront-ils ? Quelle suite donneront-ils à cet élan ? Telle est bien la question qui se pose aujourd’hui. Les veillées devraient se poursuivre au cours du mois de mai. Et après ? Pas de réponse. Les organisateurs eux même semblent n’en savoir rien. Ils ont choisi de ne pas être propriétaires de leur mouvement, de le laisser les dépasser. Comme un poème qui n’appartiendrait plus au poète mais à ceux qui le reçoivent. Ils agissent, car il leur semble nécessaire d’agir, là et maintenant. Demain est un autre jour, et qu’importe la suite. Oui, qu’importe la suite puisque le message est passé à qui veut l’entendre : une génération se lève qui reprend gout aux rêves, lasse de l’indifférence ou des jeux politiques. Les veilleurs ne se contentent pas de résister, ils fondent. Ils s’arment de l’art pour nourrir leur détermination et voient grand, très grand ! Au moins aussi grand que la grandeur qu’ils accordent à l’Homme. Et quand ils doutent – qui ne doute pas, à vouloir vivre ses rêves ? – se sont les mots d’un vieux chant, leur hymne, appris en d’autres temps, lors d’autres veillées, qui montent de leurs lèvres :

« Je me penchais sur la terre
Et la contemplais, ravi.
Car il n’est que l’espérance
Pour animer notre cœur
Qui de nos plus noires souffrances
Sait toujours être vainqueur. »



Publié par Terre de Compassion, le 1er mai 2013.